3 jours sans nouvelles, ça y est, le plus dur est fait, passer 45 Ouest, nous devrions maintenant être au portant avec plus ou moins de vent jusqu'au bout. 1 700 milles quand même, c'est un peu long et le train train s'installe. Une nuit très pluvieuse avant hier, une belle nuit, la nuit dernière avec la lune qui revient enfin. Des journées bien calmes, avec quelques petits imprévus, le pilote qui se détache ... En fait des babioles, alors quoi ? Qu'est ce que je vais pouvoir raconter ... Nos rencontres ? Elles sont bien rares, comme vous le savez tous, la terre est ronde, la mer aussi, notre champ de vision n'est donc que d'environ 7 ou 8 milles. Avec Irish Rover, le poste de barre est en hauteur, nous voyons donc un peu plus loin. Nous allons donc tracer un long bandeau de 4 000 milles de long et 15 milles de large. Et puis si l'on aperçoit un cargo à 7/8 milles, le reste, dauphins, oiseaux et tout ce qui flotte nous ne le voyons guère qu'à moins d'1 milles. Encore faut il être attentif, et nous ne le sommes pas souvent. Et question rencontre, cette transat ne nous a guère gâté, quelques dauphins, j'allais dire comme toujours, mais pas tant que ça, des baleines ? Peut être, mais de loin, ce qui pourrait ressembler à un souffle, à deux reprises mais rien d'évident. Des oiseaux, encore une fois assez rare. Notre route nous a fait passer en plein milieu, difficile dans l'Atlantique nord d'être plus éloigné de la terre. Seules quelques rares espèces s'aventurent si loin des côtes. Des hirondelles de mer qui inlassablement volètent au dessus de l'océan, sans doute à la recherche de plancton ou de proies minuscules. Quelques pétrels qui se jouent des vagues avec une habileté inégalée, il surgissent au sommet de chaque crête, remontent de quelques mètres, plongent dans le creux suivant, complètement basculée, l'extrémité de l'aile affleure la surface agitée de l'eau que jamais elle ne touche. Ils passent comme des météorites, n'accordent que peu d'attention à notre fier vaisseau, sans doute pour eux, un simple bout de plastique sans intérêt. Hier, un premier Phaéton, ou Paille en queue, signe que les Antilles approchent, 1 300 milles quand même, il était peut être perdu ... Plus fréquent, beaucoup plus et cela en est même étonnant, des physalies, ces méduses "à voile" qui l'année dernière étaient remontées jusqu'au bassin d'Arcachon, sont à nouveau légion, attendez vous à un cauchemar cet été. Et puis quelques bateaux, petite parenthèse technique, Irish Rover est équipé d'un récepteur AIS, c'est quoi ça, Automatic Identification System, les gros bateaux sont tous maintenant équipés d'émetteurs récepteur AIS, ça utilise la VHF, donc cela a une portée équivalente, disons 30 milles et le GPS. Et cela transmet la position du bateau, son cap, sa vitesse et si le système est bien renseigné, toute une série d'informations, destination, longueur, largeur, propulsion, chargement, l'âge du capitaine et tout le toutim. Et cela calcule le CPA, closest point of approach, pas mal pour éviter les collisions. Ce serait presque parfait si tous les bateaux en avaient, mais les petits bateaux comme nous n'en sont pas dotés, les militaires ne le mettent pas, mais nous sommes sur qu'ils nous voient, les pêcheurs non plus et là pas certain qu'ils s'occupent de nous ... Et c'est vrai qu'étant resté plus dans l'axe de la traversée vers Gibraltar nous avons croisé pas mal de bateaux, des cargos, l'Avila qui va à Agadir, le Pintail vers la Hollande, mais aussi des yachts, à moteur, le Limitless, un gros bidule qui est passé vraiment très prêt, un voilier, lui n'avait pas d'AIS, il remontait au près, courageux ... Et puis malheureusement, des déchets, c'est vrai, nous approchons de la mer des Sargasses et de cette fameuse zone poubelle de l'Atlantique, du triangle des Bermudes aussi, alors y aura t'il un prochain message ? Et bien en attendant, tout le monde embrasse tout le monde. À bientôt, j'espère ...
POS : le 25 : 28°04.99 N 42°08.36 W, le 26 : 27°53.92 N 44°50.28 W, le 27 : 27°53.20 N 47°22.56 W à 1 754 NM de la Floride
