lundi 6 avril 2009

Les aventuriers de l’arche ?

Lundi 6 Avril

Toujours le train train, toujours un cap plus sud pour tourner autour de cette dernière ondulation et après, demain ? Après demain ? Virage à droite dans l'alizé. Boulevard du rhum jusqu'en Martinique. Mais nous n'y sommes pas encore, toujours pas de poissons volants, toujours un ciel compliqué, plein de nuages de toutes sortes. Ce que j'attends, ce sont mes petits soldats, mes jolis cumulus, blanc, gris perle, de ceux qui défilent tout fier, la tête bien droite, en rang organisé, un 14 Juillet sur les champs ... alizés (je sais, je l'ai déjà fait). En parlant de nuages et de ciel, ce matin, assez tôt, Faustine était seule de quart avec moi, un gros grain, une belle enclume, suffisamment grosse pour que je choisisse d'en faire le tour au moteur et de passer derrière, mais derrière, juste derrière, au ras, un nuage de pluie et un magnifique arc en ciel, une double arche, complète, juste là, si près que je n'ai pas résisté à faire le cap dessus, à m'en approcher d'en l'espoir de la traverser, dans l'espoir d'embarquer "Over the Rainbow", les pieds de l'arche à notre portée, la mer elle aussi avait pris les couleurs de l'arc en ciel, la mer presque transparente, une gerbe de couleur qu'on aurait aimé toucher.

Difficile à décrire, Conrad peut être, et je ne suis pas sur que le génie de Turner y suffirait, en plus tôt le matin après les fatigues de la nuit, la pluie, encore la pluie, inutile que j'essaye de vous en parler, la vraie histoire, c'est que j'ai eu la chance de le voir. La vraie histoire, c'est que nous avons la chance d'être au milieu de l'atlantique, aux premières loges pour des spectacles qui nous sont réservés. Et puis pour en rajouter, c'est ce que je disais à Faustine : "Tu vas voir, c'est la porte, la porte du sud et de l'alizé, il n'y a plus qu'à passer". On y a cru, derrière cette porte, plusieurs heures de vent d'Est Sud Est, beau temps, mais, mais ce n'est pas encore ça, le ciel a repris ses mauvaises habitudes. C'est quand même pour bientôt et je laisse la parole à Charlotte :

Le train train et bin il est vraiment pas mal quand même, pour ma part j'ai enfin vu un poisson volant, retrouvé en bas du mât, oui bon d'accord mort et tout séché, mais j'en ai vu un ! (Pti clin d'oeil à Tom!). J'ai aussi goûté les fameuses daurades, avec le lait de coco ça sera sans moi, mais daurade avec du beurre et du citron, hum, un délice ! Pas encore dans l'alizé, pas encore 24 heures avec beaucoup de vent, pas encore des journées toutes bleues, ça ne serait tarder ! On a testé la douche avec Faustine, deux shampooings même, et la deuxième fois plus de rinçage à l'eau douce, parce que les cheveux longs lavés à l'eau de mer c'est galère, mais on en verra d'autre d'ici un an je crois... Bon ce n'est qu'un détail de la vie quotidienne si "difficile" sur ce bateau ! Les quarts de nuit, 00h 4h, j'ai le droit à une belle séance d'observation des constellations, j'ai oublié mon mini-ciel qui m'aurait bien servit ici, ah sans lampadaires on y voit mieux en mer ! et 4h 8h j'ai le droit à la pluie de 5h ou le magnifique lever de soleil ! Sinon on continue l'apprentissage, avec les ptits cours du soir (et autres) par Christophe et Alain, (et Tristan bien sur qui me re-re-explique par derrière), les vents, les termes indispensables à savoir, j'avoue que j'ai encore des lacunes, c'est normal ? mais on a déjà fait la moitié du trajet nous ! alors on va essayer d'apprendre plus vite et de pêcher plus aussi, on a bien essayé de mijoter quelques trucs mais les boîtes sont passées, alors le poisson je dis oui! Et déjà la Martinique, j'ai du mal à réaliser, chouette traversée, mais ce n'est pas fini !
Des besos à la familia, papa et pati, maman et pat, les soeurs et frère et tout et tout et Tom aussi ! Je laisse la place à Faustina.

Charlotte

Faustine ce sera pour demain, et moi aussi j'embrasse toute ma petite famille très fort.

CM

Pos : 17º34.14'N - 041º56.60'W

La force du destin

Dimanche 5 Avril

C'est pas Albinoni ça, c'est pas plutôt Verdi ? Non, c'est juste parce que nous croisons cette nuit la route de ma précédente transat et comme à l'automne, au même endroit, nous voilà replantés. Plus de vent, ce coin, je vais le marquer d'une pierre noire. Alors que nous nous voyions déjà dans l'alizé, pire que nous nous voyions déjà au resto en Martinique en train de commander un bon steack et une salade, le tout évidemment après une bonne douche, et bien raté, il faut en passer par l'épreuve calme plat ... Grib, aujourd'hui plus de Mister Grib, je n'ai pas envie d'être poli, Grib ne nous en avait pas vraiment parlé, juste méfiance, un passage un peu difficile. C'est bien ce que je disais, Monsieur Plus, quand il annonce pas beaucoup de vent, c'est vraiment pas beaucoup de vent, le calme, c'est encore plus calme. Je me calme moi aussi et quoi d'autre. Toujours des boites, la tartiflette y est passé, toujours pas d'eau douce, douche à l'eau de mer et finalement quelques histoires, deux histoires aujourd'hui, les autres si l'inspiration me vient, en générale, pendant la nuit, mais avant 5h, à 5h c'est toujours la galère (cette nuit, le cumulo nimbus, l'enclume, je vous en avais parlé, le méchant loup, évidemment c'est à 5h que nous y avons eu le droit).

La première, une histoire de pêche, une histoire un peu "gore". Malgré l'absence de poissons volant et poussé par la faim qui nous tenaille (surtout Tristan & moi), nous mettons quand même les lignes depuis maintenant quelques jours. Deux daurades (la seconde a eu le bon goût de mordre juste avant notre déjeuner, un leurre perdu et deux, trois touches, maigre bilan (Albinoni Vs Poissons 2-1).

Mais coté poissons, y'a quand même des cons, un petit malin c'est approché un peu près de nos appâts, il a du voir le truc, jouer au mariole, "ça, un poisson, Mon Oeil !". Je vous ai dit que c'était gore : on a péché un oeil ... beurk.

La deuxième, je devrai sans doute l'appeler "Ikéa", en hommage au gag de Gad Elmaleh (j'espère qu'il ne m'en voudra pas si j'ai écorché son nom, je n'ai pas pu vérifier l'orthographe sur Internet). Oui vous savez le gars qui monte son meuble "oestergardbloky" et après des heures de montage laborieux, il reste une vis, vis mystérieuse qui n'a pas trouvé sa place dans son meuble merveilleux, vis qu'il va mettre dans la coupelle fourre tout, celle qui est dans l'entrée avec les piles et clefs, oui, vous aussi vous en avez une ...
Ben nous des vis, il en manque plutôt, après les deux premières celles de l'enrouleur et le pit stop de Vigo, puis toujours l'enrouleur, deux vis manquantes à nouveau et manchon qui ne tient plus, ensuite une ballade dans le mât pour resserrer une nouvelle vis qui foutait le camp, toujours l'enrouleur. Avant hier soir, je trouve une petite vis sur le pont. Une vis en plus, compliquée, petite, sans tête, creuse, mais d'où peut elle bien venir celle là ? Cela ressemblait à un truc électronique, qu'elle ne soit pas tombée, déjà un miracle. Mais bon, sans réponse à ma question et vu la taille de la vis, je me dis que cela ne doit pas être vital, je la range, ben oui, dans la coupelle de l'entrée (à droite de la descente) et cela ne m'empêche pas de dormir. Hier après-midi, fin des devinettes, on a trouvé à quoi servait la vis. En fait c'est compliqué, mais sans cette petite vis de m ... et ben la latte de GV se barre, donc nous avions une latte qui avait perdu son chariot. Le tout, comme de bien entendu, a giclé dans un grain, nous étions en train de prendre un second ris, ça, un petit rappel, c'est la loi de l'emm ... maximum. Nous avons revissé tout ça, grâce à la vis miraculée, qui du coup a quitté la coupelle de l'entrée (finalement cela sert de temps en temps en temps la coupelle de l'entrée). Cela n'a pas tenu, le boitier est Hs, mais, a priori ce n'est pas bien grave, cela ne devrait pas nous empêcher d'aller jusqu'en Martinique. L'arrêt technique va être de bienvenue, la liste, oui, la fameuse liste s'allonge.

En parlant de Martinique, ETA le 13 ? Peut être, et en attendant je vous souhaite à tous un bon Dimanche

CM

Pos : 19º11.54'N - 040º15.50'W

Looking for Mr. "Trade Wind"

Samedi 4 Avril

Nous descendons toujours sur un cap plus sud que la route à la recherche de l'alizé, promesse de fin de traversée et surtout de garde manger. Des vents ESE, un ciel un peu plombé. C'est vrai que l'on a la gamme quasi complète de nuages. Une petite liste non exhaustive : cumulus, strato cumulus, alto cumulus, cirrus, cirro-stratus etc ... Celui qui m'amuse, c'est le congestus (cumulus congestus, je crois), avec un nom comme ça, on se dit qu'il doit être pressé d'aller aux toilettes, et c'est un peu ça, il nous réserve souvent un petit pipi, petit pipi d'enfant, une petite pluie pas méchante. Il en manque un à la liste, l'enclume, le méchant loup, le cumulo-nimbus et c'est tant mieux, il n'y en a pas, du coup la nav. est toujours assez tranquille (assez ... très, tranquille).

L'alizé est donc l'absent de marque, autres absents : les poissons volants, du coup la chasse n'est toujours pas ouverte, sans poissons volants pas de daurade, c'est un peu comme d'aller chasser le lion dans un coin ou il n'y aurait ni antilope, ni zèbre. Vous me direz, mais qu'est ce qu'il connaît à la chasse au lions ? Rien, je confirme, mais bon, je trouvais l'image assez juste.

Donc, c'est comme hier et sans doute encore comme demain, aujourd'hui je laisse la parole à Laurence :

Après la petite daurade à la tahitienne d'avant hier, le poisson se fait désirer, espérer, voire rêver ... parce-que le cassoulet, le confit ou la tartiflette sous les tropiques ... on a un peu de mal ! Mais on ne doute pas que ça va finir par mordre.
A part ça, après avoir été passablement secoués, rincés et essorés pendant les 10 premiers jours, Albinoni prend son rythme de croisière, une certaine torpeur tombe sur le bateau et son équipage. Christophe a même lancé un championnat du monde de sieste. Le temps et l'espace prennent une toute autre dimension ... On vit au rythme de la mer, du vent et du soleil, la montre est devenue totalement superflue (en plus on change d'heure tous les 3-4 jours, alors ça veut plus dire grand chose). Si tout va bien dans 10 jours on retouche terre ... je pense que ça va nous faire tout drôle. Cela fait des jours que nous vivons entre ciel et mer sans croiser âme qui vive. A tel point que quand, il y a quelques jours, j'ai vu les feux d'un cargo, alors qu'on prenait l'apéro, ils ont tous cru que j'avais trop bu ... mais non, ce n'était pas une hallucination ! Depuis, nos compagnons de route sont les étoiles, la lune, qui nous éclaire enfin depuis quelques jours, les levers et couchers de soleil, un oiseau par ci, un poisson par là, et notre ineffable pigeon ! On a toujours pas réussi à lui donner un nom, ou plutôt il en change plusieurs fois par jour, le plus récurrent étant "le chieur" eu égard à sa faculté de chier, sans fin, partout sur le bateau. Ce cher volatile se sent de plus en plus chez lui, pénètre régulièrement à l'intérieur du carré, a même visité la cabine de Charlotte et Faustine ... Bref tout va bien pour lui ... et nous, on est devenu des virtuoses du balai de pont !
Sinon, on a troqué nos 3 couches de polaire contre short et tee-shirt assortis de crème écran total, l'eau a complètement changé de couleur, elle est maintenant d'un bleu-vert (genre bleu pétrole) très intense, presque lumineux, et affiche désormais 24C° (quand on est parti de La Rochelle, elle était à 11,6C°) ... ça devient bon !

Laurence

Laurence a encore un peu de mal à se réchauffer, une raison supplémentaire pour faire cap au sud. Tristan et moi avons inauguré la douche à l'eau de mer à l'arrière du bateau, mais nous sommes encore les seuls, les autres, un gant timide sur le bout du nez, ... Quant au championnat du monde de sieste, moi qui pensait avoir une chance, je suis loin, loin du compte, écrasé par tout l'équipage, mention spéciale à Alain ...

Donc, comme d'habitude, entre deux siestes, tout le monde vous embrasse et pense à vous.

CM

Pos : 20º24.25'N - 038º34.44'W