vendredi 22 juillet 2016

San Cristobal, enfin des nouvelles

Vendredi 22 Juillet

Et elles ne sont pas bonnes, les nouvelles.
Je vous annonçais précédemment que nous envisagions une escale aux Bermudes. Ça c'est fait, j'y reviendrai, mais je vous faisais aussi part de mon inquiétude quant à la grand voile : "un sac qui risque d'exploser", et bien ça aussi c'est fait ...
Dans l'ordre, la météo n'a guère été favorable, pas ou peu de vent, quand il y en a, jamais beaucoup, de face ou surtout plein vent arrière. On se traîne. Escale obligatoire aux Bermudes, nous n'aurons jamais assez de Gas Oil pour aller directement aux Açores.
L'occasion donc de refaire les pleins, avitaillement compris, toujours pas de poissons, un petit frigo qui ne fait pas beaucoup de frais, quelques denrées fraîches sont de bienvenue.
Les Bermudes, c'est mignon tout plein, à la mode anglaise, je vous donnerai peut être des détails, mais qu'est ce que c'est cher ! Record battu, oublié Paris, la Polynésie et même les Bahamas, en gros c'est 2 fois plus cher que Paris.

Mais les Bermudes, du WIFI, l'occasion de prendre des nouvelles de France, et bien, le souffle coupé, premier titre, le drame de Nice. Pas grand chose à dire, plus de voix. Je retourne à mes petits soucis ... Et j'arrête de me plaindre ... Avec une pensée pour tous ces gens qui souffrent, à Nice, à Paris, Orlando, Bamako, j'en oublie, la litanie devient insupportable.

Les Bermudes, l'occasion de nettoyer un peu la carène, de revoir les moteurs et de faire une journée "Off". Toujours pas de vent, inutile de commencer par 2 jours de moteur, nous allons nous contenter d'une journée pour attraper un petit poil de vent, toujours trop vent arrière, mais on ne va pas s'éterniser non plus.
Progression lente mais régulière, et puis enfin des conditions plus favorables, ce n'est plus du vent arrière mais du largue qui doit refuser et forcir assez nettement. Nous sortons des contre courants, le bateau enfin retrouve des moyennes correctes, nous tenons le bon bout ?
Et bien non, ce matin le vent tombe, une mer résiduelle de travers, la voile bat, paf la grande latte saute à nouveau, c'est la quatrième ou cinquième fois, je sais la remettre, pas de vent, je bloque la voile dans l'axe pour pouvoir travailler, je n'y arrive pas, paf, la voile bat, repaf, bon tant pis, je vais pour affaler, je retourne au poste de barre pour démarrer les moteurs et me mettre bout, et là ?
Le haut de la GV est complètement parti, je n'ai rien entendu, même pas le hurlement de fatigue.
Et c'est embêtant, au dessus du 3ième ris, donc même pas possible de naviguer arisé, et à priori irréparable. Une laize est entièrement partie, ça encore ça irait, mais ensuite à la hauteur du renfort du ris, cela s'est découpé verticalement le long du renfort, puis horizontalement juste sous une latte, ça je ne peux rien faire.
Alors que faire justement ? Des prières ? Il ne nous reste plus que ça, le vent comme prévu est rentré, de travers, sous génois seul, 5 noeuds, et bien pourvu que ça dure, nous n'avons plus le choix.
Très certainement en train de battre un record de lenteur ...
J'espère que nous aurons assez de Gas Oil, pas certain, assez d'eau, peut être, assez à manger, pas certain non plus (d'autant plus, qu'une seule touche, une belle daurade, elle est là, sortie de l'eau, quasiment dans le bateau, le bas de ligne casse ... Grrrrr ... ).
Assez de Rhum, il y a longtemps que ce n'est qu'un souvenir ...
Assez de cigarettes, aie, aie, je ne crois pas ...
Je me demande bien dans quel état nous allons arriver, si nous arrivons ! Remarquez, Frédéric ne perd pas le moral, plus de cigarettes, ça l'arrange ... Plus rien à manger, ça va être moins drôle ...
Il nous reste de la lecture, c'est certain maintenant qu'avec juste le génois et les moteurs les quarts vont être cools. Je vais juste être très prudent avec le génois, pas question de l'abîmer, donc on va encore et encore se traîner ...
Allez, je vous laisse, j'espère que vous pensez un peu à nous, 2 hommes dans un bateau, une galère oui, mais si au moins on avait des rames ...
Tout le monde embrasse tout le monde.

San Cristobal, le 22/7 à 20h40 TU : 36°46.96 N 53°25.96 W à 1 183 NM de Horta