jeudi 7 mai 2009

Réparation

Jeudi 7 Mai

De l'autre coté de la ligne et bien finalement le train train reprend assez vite le dessus. Le vent est de retour, malheureusement toujours un peu de courant dans le nez, mais bon an mal an, je pense que nous devrions assez vite trouver le véritable alizé du Sud Est et le courant qui va avec. Je ne sais pas si Geneviève et Jean François viendrons nous rejoindre aux Marquises, et pour Lisa, j'affine l'ETA : le 25 commence à ce préciser, mieux peut être, le 23. Promis le 10 je serai plus précis. Mais la ligne c'est l'occasion de prendre de grande décision (je parle pour Alain) et de remettre de l'ordre. Je m'aperçois avec horreur que je n'avais pas publié quelques morceaux de littérature concoctés par Alanus (avant ces bonnes résolutions) et donc pour faire table rase de ce passé (le nord de la ligne) je vous soumets ces quelques lignes et je vous dit à demain.

CM

Pos : 00º58.57'S - 094º26.81'W

Sonnets pour déçonner

par le magister Alanus Alnus, abstracteur de quintessence
publiés par les éditions de Minuit mon quart, le 1°Avril 2009

J'expire

De bon matin, le nez encor rouge
pense avoir fait une belle bêtise
et dans mon sac séance tenante
cherche un tube de crème cinquante.
Pour faire la nique au baso-cellulaire
petit mais virulent cancer
de la racine jusqu'à la cîme
de crème solaire grassement me tartine.
Grâce soit rendue à la muse qui m'inspire,
belle muse assez casanière
qui consent, sortant de sa tanière
à me souffler raison, empêcher que j'expire.

Jamais mélanome malin
n'aura la peau d'Alain.

Morfler aux enfers

Trop longtemps alanguie sur le pont
lorsque masqué par l'Aquilon félon
de ses puissants rayons le soleil darde
chère silhouette alors prends garde.

Si les anges ont un sexe, tu es séraphine
car exposée à la lumière divine
ta peau prend vite couleur de l'enfer.
De grâce retourne toi et montre lui l'envers.

Au coeur de la mer bleu turquoise
se cache une menace sournoise
mais tout péché mérite rédemption

Quelque morceaux échappés au crâmé
pourront encore tresser du macramé
pour Faustine Biafine fut bonne médication.

Pigeon à l'écharlotte

Souvent pour s'amuser les hommes d'équipage
prennent des volatiles, décision fort peu sage,
pigeons égarés, présumés Portugais
que leurs crottes collantes empêchent de décoller.

Face au pont maculé, manquant de vivres frais,
les matelots spéculent, armés d'un grand balai.
Faut-il tordre le cou ? Rejeter à la flotte ?
Où bien plumer et mettre en cocotte ?

La démocratie s'arrêtant aux limites du bateau
les votes ne purent s'exprimer librement
Charlotte, l'écolo brisant l'unanimité.

Un pigeon fut grâcié, deux sauvèrent leur peau.
Pour avoir favorisé l'expansion de la crotte
Charlotte fut punie et perdit sa culotte.

23° 30' Nord

Point n'est besoin d'une vitrine
élégante fille des Védrines
qui de tous tes appas pavoise
pour séduire le bel Ambroise.

Tu te dévoiles à la brise marine
risquant l'enlèvement des sabines.
heureusement Albinoni danse
emportant la belle Laurence.

Triste tropique du cancer
dont la ligne imaginaire
de ta beauté s'éclaire.

Tes trésors, bien loin d'ici,
pour l'amoureux transi
sont le nectar et l'ambroisie.

Tristan le goëland

Garçon de faible poids, par son parrain fut missionné
pour haubans et guignols aller fourrer,
là haut dans les barres de flèche
ou l'atmosphère est bien plus fraîche.

Du sommet de son mât, ce fan de cinéma,
snob de Los-Angèles, ne montrait que ses fesses.
A peine revenu en bas, soudain il déchanta
et de retour sur le pont brutalement s'effondra.

Ivresse des hauteurs ou hypoglycémie ?
Tous les diagnostics sont permis
mais si j'en crois mon petit doigt

et le pillage des tiroirs d'en bas
et sa ferme attitude lors des repas
je crois que le nom de goëland lui va.

Célébration, élucubrations.

Après Réparation un nouveau post le même jour. Je les tiens mes""on", trois d'un coup. Maintenant il ne va pas falloir trop en abuser. Mais la ligne cela se fête. C'est fait, hommage à Neptune, gentil bizutage et après cette célébration quelques élucubrations. Je ne vous raconterai pas tout, mais l'équipage insiste, il faut publier ça. Je me cache et ne ferai pas de commentaire.


Juste avant de recopier ce texte, un rapide point sur la situation (le dernier "on" de la soirée ? ). Du vent de SE, un peu faible, toujours trop de courant, c'est fou ce truc, El Nino ? D'ailleurs si quelqu'un a le courage d'enquêter : est ce une année Nino ? La réponse m'intéresse et pour ceux qui vont suivre (Bernard) cela peut être utile, ni les pilots charts, ni les cartes ne l'indiquent, mais c'est constamment 1 à 2 noeuds de courant dans le nez, du coup l'ETA prend aussi un coup dans le nez ... Je prend un grib pour vérificati"on", d'où cette connexi"on".
Mais bon (on), situation (on) générale et évolution (on) : Le Marquise express est annoncé en gare pour un départ imminent ...

Et maintenant la parole est à l'équipage :

Sur une musique de George Brassens - Les Copains d'abord - Les décors sont de Roger Hart (encore lui) - Les rennes dressés par Knut Yougoustormvegard ont été coiffés par Ilda Olaquedosteborg et les costumes en première mondiale (et, ouf en absolue dernière sont d' Alanus Alnus, je crois que je vous épargnerais les photos ...)

Au capitaine Mahé le Rouge

"Albinoni" - Passage de la ligne - le 6 Mai 2009

Y'a pas de poissons, pas assez d'vent
On l'a dans le nez
C'est emmerdant
On l'préférerai au portant
Oh oui, au portant
Mais Eole n'en fait qu'à sa tête
"Albinoni" fait des pirouettes
Et le capitaine Mahé le Rouge
Préfère quand ça bouge !

L'anémomètre ne fonctionne pas
parc'que la pluie
Il n'aime pas ça
On lui a p't être jeté un sort
Oui, jeté un sort
Quant au dessal, il cale tout le temps
ça c'est la loi d'l'emmerdement
Et l'capitaine Mahé le Rouge
Préfère quand ça bouge

Son équipage, plus en rodage
De gaffe en gaffe
Lui fout la rage
Mais il en rit finalement
Oui, finalement
Et quand dehors il y a baston,
Ils sont tous là, à l'unisson
Pour l'capitaine Mahé le Rouge
L'équipage se bouge

Dans le canal de Panama
Il était fier
Comme "Bar Tabac"
Accouplé au sud Africain
Un sud Africain ?
On avait révisé nos noeuds
Histoire d'assurer un p'tit peu
Pour l'capitaine Mahé le Rouge
Fallait pas qu' ça bouge

Des milles il en parcouru
L'pacifique, il
L'a déjà vu
Sur un bateau très élégant
Oui, très élégant
Aujourd'hui c'est en père peinard
D' "Albinoni" qu'il tient la barre
Et l'capitaine Mahé le Rouge
L'aime bien parc'qu'il bouge

Pacifique, on avait pas vu
Alors, il nous avait prév'nu
Que ce s'rait vraiment différent
Vraiment différent
On pourra pas vous expliquer
Pour ça faudrait qu'vous y alliez
Et l'capitaine Mahé le Rouge
Vous mont'ra qu'ça bouge !

Merci pour cette ballade exquise
Maint'nant on
Attend les Marquises
Ses pamplemousses et ses tatouages
Et ses paysages
Maint'nant qu'on a passé la ligne
De l'équateur, on en est digne
Grâce au cap'taine Mahé le Rouge
Qui aime quand ça bouge !

De l’autre coté du monde

Mercredi 6 Mai

Holywood n'a qu'à bien se tenir et "Endemol" Tristan peaufiner ses scénarios, il s'y met. Parce que ici c'est bien mieux qu'Hollywood. Un ciel étoilé "de folie" en fin de nuit, en tout cas comme nous n'en n'avions jamais vu. La voie lactée rempli le ciel, les étoiles scintillent même au zénith, météores et étoiles filantes traversent le ciel y laissant de longues stries, même la croix du sud semble disparaître noyée au milieu de milliers de constellations et régulièrement d'énormes éclairs de chaleur viennent embraser l'horizon, éblouissant les spectateurs. "Et l'éclairagiste t'arrête tes conneries" "J'y peux rien moi, avec ces ampoules qui pètent". Mais ce n'est pas fini : un lever de soleil Cinemascope, 20th Century Fox, je ne sais pas, je ne sais plus, ne vous inquiétez pas Laurence, photographe de plateau en titre en a fait quelques photos : un lever de soleil sur l'île Pinta, vous me direz, oui pas mal, mais non, un truc encore que vous ne verrez pas si souvent. L'île est surmontée d'un magnifique panache de fumée. Pas simplement des nuages, d'ailleurs Laurence et Tristan n'avaient pas vraiment tilter, il a encore fallu que le capitaine y soit de la leçon de sciences naturelle : c'est une éruption. Sylvie m'avait signalé une éruption volcanique aux Galapagos, mais je ne savais pas sur qu'elle île, et bien c'est Pinta ...

Et pour que nous soyons bien sur de ne rien rater, une couche de plus, 3 noeuds de courant dans le nez, c'est moins drôle : 105 milles sur la route en 24h, à ce rythme ... Du coup cela se traîne un peu, beaucoup, nous continuons d'en profiter, des bancs de dauphins, 100, Tristan : dis donc il y en avait bien 200, des sauts de fous, Alain : t'as vu celui là au moins 5 mètres et puis, et puis celle que tout le monde attendait, une bosse sur tribord, bon c'est encore moi qui l'ai vu, vite Laurence, réveille tout le monde, on la tient, notre baleine, une magnifique baleine à bosse (je crois) qui comme d'habitude (c'est vraiment pas difficile, je vous passe ma colère envers la chasse à la baleine) se laisse approcher, un bon quart d'heure côte à côte avant que dédaigneuse elle ne décide de sonder.

La journée, s'allonge, le courant s'acharne, 40 milles en 12h ..., la nuit voit le retour d'un peu de vent, une bonite (un vrai poisson de ligne ...), chouette au moins 2 repas, les Galapagos s'éloignent encore éclairées par une lune étincelante et en fin de nuit : 5h04'17'' (11h04GMT), 92°14 981 W, la ligne ..............................

Pile sur la ligne : le gros GPS est au Sud et sur l'écran du mac, c'est encore le nord.

Je laisse la parole à Laurence, qui patiemment à fait ce voyage et qui se retrouve de l'autre coté du monde, enfin ... :

Laurence - Depuis La Rochelle beaucoup d'eau a coulé sous le bateau, 5 815 milles, 50 jours....des paysages de mer radicalement différents, des météos jouant sur un tableau assez vaste et contrasté avec variations de températures d'air et d'eau... une palette de couleurs infinie, des rencontres, des odeurs, des saveurs, des fruits et légumes que je ne connaissais pas, un nouveau rythme de vie, une redéfinition des priorités. La mer d'huile ou au contraire les creux de 4 m, pas de vent, trop de vent....
Les coups de vent qui surviennent brutalement en quelques secondes.... Le calme avant la tempête, c'est pas une légende.
L'autre soir, pendant l'apéro et après avoir remis la grand voile haute, on se disait qu'on allait allumer le moteur tellement le vent faiblissait, le temps d'aller égoutter les pâtes pour le dîner, le grain s'est abattu sur nous... arrivant par l'arrière (alors qu'on était au près serré !) du vent, beaucoup de vent et de l'eau, de l'eau, de l'eau partout... à la verticale, à l'horizontale, une vraie machine à laver (un truc de fou, c'est pas les quarantièmes rugissants, mais presque !). En quelques secondes on est tous trempé jusqu'aux os, malgré nos vestes "étanches". La mer s'aplatit sous le grain et le bateau file à toute allure comme une savonnette sur une toile cirée. Tout le monde est sur le pont pour affaler la grand voile en toute hâte... les ordres fusent, les bruits du vent et de l'eau sont tellement fort que les voix se perdent et on est tous obligé de hurler pour s'entendre. Evidemment les bouts s'emmèlent, si non ça ne serait pas drôle. En quelques minutes la manoeuvre est bouclée, nous sommes sous solent seul, on file à plus de 10 noeuds ! Ruisselants, on rentre à l'intérieur, il est temps d'aller manger les bolognaises. Le coup de vent aura duré moins de 20 minutes, et la pluie nous a tenu compagnie pendant 3 - 4 heures (pas de bol c'est mon quart... en avant pour la douche, savon et shampoing non compris !). Au fait c'était quoi ce truc de fou ? Et depuis quand les nuages arrivent dans le sens contraire du vent ?
C'était un grain tropical, comme on en n'avait pas rencontré pendant la transat. Une particularité de la zone inter-tropicale et du Pacifique, de ce côté du monde.... Quant au vent, près de l'équateur, c'est un peu n'importe quoi... "va comprendre Charles !"

Aujourd'hui la mer est d'huile et nous offre son plus beau miroir dans des nuances de couleurs jamais vues. Les cieux sont splendides de jour comme de nuit, des nuages tirant sur le rose fluo quand le ciel s'embrase au petit matin, et... émergeant de la brume, les îles volcaniques des Galapagos...c'est magique !
Ce matin vers 6h00, La Pinta, nous est apparue dans le soleil levant, quelques heures plus tard c'était Isabella l'île principale des Galapagos dans un halo mauve et brumeux sur une mer bleue tellement claire qu'elle est presque argentée, un peu comme le bleu des glaciers. Et comme si ça ne suffisait pas les dauphins nous ont offert un ballet bondissant...une merveille ! Puis, alors que j'allais me coucher (j'étais de quart de 3h00 à 6h00 et j'avais prolongé pour voir le soleil se lever), Tristan m'appelle..."viens voir il y a une baleine !"
Majestueuse, lente et paisible, madame la baleine se promène et souffle tranquillement... On l'approche de si près qu'on serait presque tenté d'aller nager avec elle...mais bon, on n'a pas oublié les épaulards d'il y a quelques jours et les requins des jours précédents. Il faut dire aussi qu'elle est quand même impressionnante, même si elle semble très paisible.... il ne faudrait pas qu'elle s'énerve, elle est tout de même plus grande que le bateau.
On est planté au large des Galapagos : 0,5 noeuds de vent et un courant contraire... Christophe pleure. A ce rythme là on n'est pas près d'arriver aux Marquises et en plus on va trop lentement pour pêcher !
Ici le temps est suspendu...bientôt la ligne (celle de l'équateur) et le bizutage qui va avec ! Nous sommes 3 candidats, seul le capitaine l'a déjà passée. Je vous raconterai dans un autre post à quelle sauce on aura été mangé !
Je vous embrasse et pense fort fort à vous.
ps : j'ai pris 700 photos (jusqu'à présent) pour essayer de vous montrer tout ça à mon retour. Bisous
Laurence

Pos : 00º02.80'S - 092º20.00'W

PS : Pour l'éruption et le panache de fumée, en fait je n'en suis pas si sur, mais, bon, l'histoire est plus belle comme ça, n'est ce pas ?

Mer plate, un euphémisme

Mardi 5 Mai

Ouille, aie, j'aurai dû me taire, mer plate, je suis pris au mot. Pétole, calme blanc, calme plat, la mer est un miroir. Miroir qui comme tous les miroirs est perfide, vraiment perfide, le loch, le speedo in english, est à 6,5 noeuds (au moteur évidemment) et cette saleté de GPS nous marque 3,2 noeuds. Cherchez l'erreur. Sur la carte, celle qui a du mal à nous positionner l'îlot Darwin, 1,2 à 2 noeuds (selon l'endroit) de courant traversier - portant vers le Nord ouest - mais ou c'est qui l'est ce courant de 3 noeuds dans le nez ? C'est la vie.

En parlant de vie, peut être mon coup de colère, le vrai. Bon pas très important, je fais ce que je peux. Mais je vous parle de ce que nous voyons. En fait j'étais passé dans le coin il y a longtemps, 24 ans ... je vous parle de pêche, de fous qui plongent q etc ... il y a 25 ans, c'était 4/5 par jour. En une semaine nous en avons vu une ... la pêche, de la folie, la rien du tout, des pélicans partout, là pas un seul, par contre des thoniers senneurs plein la baie de Panama. Bon, je ne vais pas vous la jouer Nicolas Hulot, séquence "tristesse". Je ne suis pas scientifique, il y a peut être d'autres explications, une année Ninò, Ninà, que sais je, mais bon peut être que la aussi la surpêche à fait quelques dégâts, et tout ça pour quoi ? Quelques boites de thons dans les supermarchés ? De la nourriture pour chien ? Je n'en sais rien, je dis juste qu'il faudrait vérifier.

Et puis cela gâche mon post. Hier je vous promettais un autre jour, oui, c'est vraiment un autre jour. Les enfants, oui je pense à eux, ce soir "Master & Commander", comment ça s'appelle, de l'autre coté du monde ? Un truc comme ça, et bien ça y est, nous y sommes, nous avons passé 90° Ouest et la ligne est devant nous, zut, je vois un trou (Ah non, ça c'est Asterix, à moins que je ne confonde avec Pirate des Caraibes). Les Galapagos, juste là et je reviens demain vous raconter tout ça. Bizutage en règle, en tout bien tout honneur, le capitaine, ma pomme, je suis le seul à l'avoir passer cette ligne. Une pensée aussi pour Aurore et Laurent, la bouteille est au frais, le premier verre sera pour Neptune, les autres, ben ils n'avaient qu'à être là, une prochaine fois ?

A demain et cette fois ci si le courant le permet, de l'autre coté du monde. Je vous embraaaaaaaaasse tous ... nous tooooombons

Tristan, si t'arrêtais avec tes histoires de Kraken, c'est pas Hollywood ici

Dernier détail""technique", 90° W = GMT - 6 : élémentaire mon cher Watson

CM

Pos : 00º39.17'N - 090º56.08'W

Les décors sont de Roger Hart, les rennes ont été dressés par Knut Yougoustormvegard et ...