vendredi 9 octobre 2015

Le Titien, grosses chaleurs

Vendredi 9 Octobre
Premières vraies chaleurs, les calmes nous rattrapent, la météo se complique un peu. Ne vous inquiétez pas, on va pas se faire mal, mais il semble que la grosse tempête qui approche des côtes d'Europe, mauvais temps à prévoir en France, repousse les calmes de l'anticyclone loin au sud, nous aurons sans doute beaucoup de mal à les éviter. Tout va bien à bord, ce matin nous avons franchi le cap des 2 000 milles, et puis c'est Vendredi, jour du poisson, y'a intérêt à pêcher. Je n'ai rien décongelé. Ce sera poisson ou ... Confit de canard ... Devinez ce que nous préférons ! Je vous laisse, plus exactement je laisse la parole à Frederic qui va vous raconter Sa transat :
"L'idée de faire une transat trottait dans ma tête depuis que Laurence m'avait fait part de ses projets fin 2008. Elle m'avait d'ailleurs proposé de rejoindre son équipage à Panama pour naviguer jusqu'en Polynésie, sa destination finale. Je venais de démarrer une nouvelle activité et n'avais pu donner suite, faute de temps (sans doute faute tout court), mais les récits et les images de ses voyages me confirmaient l'intérêt d'un tel projet.
Un septennat plus tard je tombe sur un post fb de Christophe annonçant sa prochaine traversée mi-septembre et aujourd'hui, j'ai tout mon temps ;-). Quelques échanges via Internet, on se téléphone, on discute les détails à l'ile de Ré au mois d'août et le projet se dessine.
Olivier et moi sommes donc confirmés. Un quatrième équipier serait idéal pour traverser. Qu'à cela ne tienne, je poste une annonce sur fb à laquelle Diane répond et nous rejoindra pour la première partie du voyage entre La Rochelle et Las Palmas (Iles Canaries) et qui sait, peut-être pour la traversée...
Le bateau est prêt le 10 septembre. Christophe et moi allons à La Rochelle pour en prendre possession et commencer à le préparer. Un bateau neuf, c'est rempli de trucs neufs emballés à déballer, inventorier et ranger de façon rationnelle. Christophe installe le système de navigation, envoie successivement Diane et moi dans le mat pour protéger les barres de flèches. En parallèle, il y a l'avitaillement c'est à dire quelques allers retour dans une grande surface pour rapporter des caddies pleins de vivres. On se bidonne* aussi...
La météo annonce un coup de vent au large. On visualise grâce à weather4D avec en bonus Olivier qui nous montre les dernières modifications et fonctionnalités qu'il implémente quotidiennement. Il faut attendre que ça se calme pour partir. Le bateau est neuf et doit être livré neuf... On profite de cette attente pour le protéger. Toiles cirées, moquette, bulletex. La force du vent plaque le bateau contre le ponton. On ajoute des défenses pour répartir la pression sur la coque.
Le 19 septembre le coup de vent est passé. Le bateau est libéré de ses amarres. Nous quittons La Rochelle au petit matin juste après avoir fait les pleins d'eau (750 l) et de gasoil (500 l). Un nouveau rythme de vie s'installe. A part Christophe, on a tous un peu le mal de mer (mais c'est bon, ça va passer). Les quarts sont attribués. Comme j'ai tendance à m'endormir entre 21h00 et minuit, je propose de prendre minuit - 3h00. Mais peu importe, car on tourne chaque nuit.
Pour les "new bees", le livre des Glénans est à bord. Lecture à la fois instructive et un peu sèche. C'est à peu près comme l'étude du solfège pour les musiciens ... L'un dans l'autre, il complète tout ce qu'on apprend en pratique sur le pont ...
La première partie d'une transat est généralement dédiée au débogage du bateau. On sait qu'il y aura des problèmes mais on ne sait pas encore lesquels ... De surcroit le Dufour 560 est un modèle récent que Christophe convoie pour la première fois. Comme prévu, les problèmes pointent le bout de leur nez dès la première journée en mer. Deux lattes sortent de leur boitier et menacent d'endommager la grand voile. Il faut les retirer. La tige d'un coulisseau de grand voile tombe sur le pont laissant un jour entre le mat et la grand voile. Notre beau voilier a soudainement l'air débraillé :-(
Après c'est au tour du pilote de jouer des castagnettes. Christophe s'engouffre dans le coffre où l'on range les défenses et les amarres pour serrer les visses qui attachent le pilote à la structure du bateau. Il faut démonter l'étui de winch pour accéder à l'ensemble des visses. Design de m****! s'exclame t'on. En plus c'est un système à chaine qui couine comme un démarreur de voiture en fin de vie. Bref, un système à vérins hydrauliques aurait été plus adapté (et sans doute plus cher).
Nous aurons néanmoins d'excellentes conditions météo pour dégolfer. Nous pêchons deux poissons, assistons à un ballet de dauphins pendant environ 30 minutes ... Diane a l'air ravie et je suis content que cette expérience soit aussi positive pour elle qu'elle l'est pour moi.
Arrivée de nuit à Las Palmas après une brève escale à Vigo pour la révision des 50 heures du moteur. Les prises de quart cessent. Les problèmes de lattes seront réglés dans les prochains jours. Nous ravitaillons et "geekons" dans les bars à wifi. Je trouve quelques similitudes entre Las Palmas et Los Angeles. Le climat, les joggers, volleyeurs, nageurs, etc ...
Faute d'avoir convaincu Diane de continuer, nous nous faisons à l'idée de n'être que trois à bord pour traverser. Christophe nous fait part d'une petite annonce qui a attiré son attention. Il s'agit d'un Néo Zélandais cherchant à joindre un équipage pour aller aux Antilles et puis en Amérique du Sud. Je l'appelle et nous faisons la connaissance de Daniel au Sailor's bar. 1 heure et quelques verres plus tard nous lui donnons rdv le lendemain à 7h30 pour finaliser les préparatifs de la traversée. Nous serons finalement quatre. Diane tu es vraiment sure sure sure de rentrer à Bordeaux ?
Nous quittons Las Palmas le 4 octobre. Direction Sud à la rencontre des poissons volants. Et puis on tournera à droite...
8 octobre. Déjà quatre jours en mer. Le temps est clair, environ 26 degrés, le soleil chauffe un peu plus chaque jour et nous voyons les premiers poissons volants. La nuit, les vestes de quart restent au vestiaire. Le jour, chapeau, lunettes de soleil et chemise à manches longues (ou beaucoup de crème solaire). On se rafraichit avec des seaux d'eau de mer. Le poisson se fait plus rare. Une petite dorade qui pourra faire une entrée, rien de plus. On se rattrape avec de l'ossobuco et le "frais" acheté à Las Palmas. Le vent timide au départ des Canaries se renforce. 12, 14 nœuds et pour finir 25 nœuds. On prend 2 ris d'un coup, ce qui a l'avantage d'équilibrer la voilure du bateau tant le foc est sous dimensionné.
Olivier travaille assidument sur les fonctionnalités de navigation de Weather 4D, nous lui donnons nos impressions et quelques suggestions d'utilisateur. Christophe veille sur le bateau, le cap, les réglages de voiles, les trucs qui pètent et le bienêtre de l'équipage. Daniel lit et relit Siddhârta, aide à préparer les repas, rêve de pêcher un gros poisson. En temps normal, il est quasi végétarien. En ce moment, c'est viande tous les jours ! Il se dit sans doute qu'ils sont fous ces français avec leur bouffe, leurs vins, leur débats politiques, leur discussions philosophiques et leurs histoires de nanas... Mais il a l'air heureux et c'est le principal. Pour ma part je suis content d'avoir un alter ego du coup de fourchette. Christophe commence à se dire qu'il vaut mieux nous avoir en photo qu'à table.

*se procurer des bidons de javel vide de 20 litres à laverie du coin pour accroitre la capacité de gasoil du bateau d'environ 50%."
Je conclue par un petit mot à Laurence justement, qui nous avait laissé 2 casseroles, casseroles bien utiles en effet, parfaites pour le confit de canard par exemple. Merci Laurence, tout le monde embrasse tout le monde.
Le Titien le 9/10/15 à 12h TU : 22°35.45 N 29°36.43 W à 1 968 NM