samedi 16 avril 2016

U-Neat : Passera, passera pas ?

Jeudi 14 avril

Le moins que l'on puisse dire c'est que j'ai été discret non ? Remarquez, ai je encore beaucoup de lecteurs ? Je me demande. Bon, mettons que j'en ai encore quelques uns, fidèles à mes élucubrations, et bien qu'ils se rassurent, ils vont échapper (ce coup ci) à des histoires de pêche (et oui Isabelle). Je refais un petit point sur la situation, où sommes nous ? Pourquoi, comment ? Etc ... Et vous aurez peut être droit à un peu de lyrisme, le Cap Hatteras, cela vous dit quelque chose ? Regardez sur une carte, Jules Vernes, Melville ?
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3 petits points parce que j'ai été interrompu, une longue interruption, un peu de mauvais temps, nous sommes maintenant Samedi 16 avril.
Je reprend donc depuis le début, et cela risque d'être un peu long, il s'est finalement passé pas mal de choses.

Je vous avais laissé en route vers St Martin, où je devais débarquer mes 2 équipiers, Yves et Franck, qui malheureusement sans visas ne pouvaient me suivre jusqu'à Annapolis.
Une fin de transat pour eux, fin de transat sans histoire et ... Et sans pêche, presque sans pêche, la grosse daurade, désolé Franck, ce sera pour une autre fois, lot de consolation, quand même, à quelques milles de l'arrivée, un joli petit thon obèse, un délice. Coup d'accélérateur, moteur, nous arrivons le vendredi soir, ce qui va me laisser du temps pour faire mes courses le samedi matin et donc pouvoir repartir très vite si je trouve un équipier.
Parmi mes relations, personne de disponible, personne ayant soit la nationalité Us, soit le bon visa, pas facile non plus pour trouver au pied levé. Un équipier va me rejoindre, Nicolas, un skipper pro envoyé par Dream yacht, mais il est à Tortola, le temps de descendre, de s'organiser, nous ne repartirons que lundi par le pont de 14h30.
Un peu de temps perdu donc, mais qui me laisse du coup un peu de temps aussi pour organiser la suite. Internet, de longs coups de fils, certains positifs, d'autres nettement moins, c'est la vie ... Et alors que je pensais avoir fait le plein de travail pour l'année, une future transat capote et plus de Mexique, on ne peut pas tout faire à la fois.
J'y reviendrai mais en gros, un retour des Antilles à suivre, sur un monocoque cette fois, un Oceanis 41 - Martinique, le Marin, St Gilles Croix de Vie et une promesse de Nouméa cet automne, si : Une grande incertitude, les agréments, on verra et on peut toujours rêver non ?
Yves et Franck se sont eux aussi organiser, en route vers la Martinique, Yves repars pour de nouvelles aventures, nous restons en contact, j'attend son reportage photo de la transat. Quant à Franck, je crois qu'il va insister, il y tiens cette daurade, la suite donc pour bientôt, dès que je serai rentrer d'Annapolis. Un dernier repas et c'est la séparation, on se reverra vite, il me semble, je me trompe peut être, mais je crois que l'Atlantique ils ont aimé.

Retour en mer, l'Atlantique ce n'est pas fini pour moi, une longue remontée au nord le long des Antilles, des Bahamas, des côtes américaines, un obstacle, ce fameux cap Hatteras, l'alizé, le Gulf Stream, cela pourrait être simple, sauf que la météo ne semble pas d'accord, Eole et Poseidon pourraient nous compliquer le travail.

Les pleins, des bidons supplémentaires, l'avitaillement, quelques petites réparations, tout ça c'est fait. J'ai craqué, marre de mes soucis iridium, je me suis offert le GO, juste une déception, il est bien plus cher à St Martin qu'en Fance, et dire que j'avais hésité à le prendre au départ. Mais je suis certain de pouvoir communiquer et surtout de prendre la météo, j'y reviendrai, rien à faire je ne suis pas tranquille, tranquille.

Nicolas est à bord, un pro, un vrai, Nicolas Tournier, Tournier, son père, les chantiers Tournier, Soubise en Charente, les catamarans. Il est donc tombé dedans tout petit. Il s'installe, trouve sa place tout de suite, et c'est parti, je n'y reviendrai pas, un plaisir de naviguer avec lui.

Juste un petit souci avant de partir, une lessive ... Pas d'eau dans la machine, je repars avec des affaires sales, zut ...

Alors cette traversée ? Au début, de l'alizé, conforme, standard, U Neat taille vaillamment sa route, pas de poisson, ça ça ne change pas et ne vous inquiétez pas, il n'y en aura pas.

Mais rapidement les choses se gâtent, d'abord une succession de calmes et de temps à grains. Les calmes nous ralentissent et les temps à grains, je n'aime pas, beaucoup d'effort pour pas grand chose, peur d'abîmer le bateau, bon je crois qu'à part les photographes, personne n'aime les temps à grains. Et puis à nouveau les calmes, de longs calmes, là vous me direz les calmes, tant pis, si tu as suffisamment de fuel, moteur ? Oui et non, vais je avoir suffisamment de fuel ? A l'arrivée, une journée à prévoir au moteur, nous sommes quand même pressés, le bateau est attendu pour un salon, une échéance précise donc.

Et devant nous ce qui s'annonce ne me rassure pas, le vent après cette longue période de calme revient de face, à nouveau une journée de calme, un peu de vent arrière et cela se confirme de jours en jours, une brutale bascule, et un fort courant de nord qui s'établit. Une petite dépression se ballade devant nous, lente, pas très creuse, dans l'absolu rien de vraiment dangereux, mais U Neat est un petit bateau, un Bali 4.0, et un Bali 4.0 au près dans la brise, avec une forte mer, ce n'est pas ça, j'allais même dire oubliez. Remarquez j'ai connu pire, je ne donnerai pas de noms, mais là pas le choix, il va falloir passer.

La première journée face au vent va nous permettre "d'affiner les réglages", si l'ont peut dire, disons qu'elle va nous montrer à quelle sauce on risque d'être croquer ... 2 ris dans la GV, à peine 25 noeuds et paf le pontet de point d'écoute de GV casse net, défaut de fabrication ou pièce trop faible ? Nous allons encore avoir la journée de calme à suivre pour bien cravater tout ça.
Question performances, avec 2 ris dans le foc et le génois, un petit 25 noeuds de vent, apparent j'entend, pas grand chose donc, de la mer, ça oui, le bateau dérive de 30°, VMG, 1,5 noeuds, ça promet. D'autant que cela se confirme, nous allons nous taper, 200, 250 milles au près dans la brise et dans une mer qui s'annonce formée. Alors passera, passera pas ?

Première chose à faire, les réglages, comme en dériveur, foc bordé à fond, grand voile (2 ou 3 ris), bien bordée, chariot presque entièrement sous le vent et ... Et moteur, moteur sous le vent, 1 200 tours, inutile d'aller trop vite, le bateau explose à chaque vague, dérive comme un malade à la sortie, 5 noeuds ça va bien, pilote en mode vent, 40° du vent, nous progressons, lentement, mais nous progressons. D'autant plus que nous allons jouer notre Joker.

Le cap Haterras, n'est plus très loin, il faut le passer et ensuite encore gagner 100 milles, sans se laisser rabattre contre la côte, le contre bord serait une catastrophe.

Alors ce joker ? Nous montons autant que possible vers le nord, et entre nous et la côte ? Mais si vous le connaissez, la douceur de la Bretagne, ses artichauts, les plantes tropicales des jardins des Scilly, le Gulf stream évidemment.

Maintenant, il faut y croire et il se fait désirer, nous montons, cela deviens de plus en plus difficile, à bord ce n'est plus qu'un fracas permanent, plus rien de sec, U Neat est balloté, bringueballé, je suis à 2 doigts de renoncer, mais pour aller où ? Il faut continuer, il faut y croire, ce Gulf Stream, il doit être là, ah ... La température de l'eau monte, 19°, 20, 21 …24, Yesss, nous y sommes, oouuuuuff, aspirateur, tapis roulant, une fronde, cap Canaveral. En entrant dans le courant nous faisions tribord à peine 280, nous ne passions pas le Cap Hatteras, alors quant à imaginer atteindre la Chesapeake Bay ! Et là notre bord adonne, adonne, l'ascenseur, du 280 on se retrouve quasiment plein Nord, ça va passer !

Non attention quand même, encore 2 obstacles;
La mer, vous pensez bien qu'avec un courant pareil, vent contre courant, 30 noeuds quand même et avec du fetch ... Les vagues viennent du fin fond de l'Atlantique, de ses entrailles ? Et bien, le Bali résiste, à chaque vague, grondement sourd, ou choc sec, vibrations interminables, on se demande si ça va tenir, ça tiens.

Et puis tout a une fin, nous allons en sortir du Gulf Stream, et après, après il restera plus de 100 milles au vent de la côte, bof, bof ... Il faut monter. Nous montons, nous montons, mais il faut aussi se décider, ce n'est pas New York notre destination; allez on y va. Et là c'est encore plus fou.

La couleur de l'eau passe quasiment instantanément, à peine 3 longueurs de bateau, du bleu des mers du sud à un vert proche de celui que nous connaissons dans les pertuis.
Une brutale remontée des fonds qui passent de 2 000 à 30 mètres en moins de 15 milles, (ça doit faire une belle falaise là dessous non ?) s'accompagne d'une surprenante baisse de température de l'eau, de 24 à ?
Tenez vous bien de 24 à 11°, 10 un peu plus loin. Il m'a fallu ressortir la seule paire de chaussette que j'avais gardé, doubler les polaires, quant au pauvre Nicolas habitué depuis maintenant 10 ans aux tropiques ...

Il nous faut donc affronter le froid, pas prévu, mais bon l'essentiel est là, le vent adonne un peu, ça passe, encore une journée au près dans la brise, mais nous faisons la route. Au petit matin, le tunnel, le pont, l'entrée de la Cheasapeake, je vous en ai déjà parlé, j'écris ces lignes, il est 2h, nous remontons tranquillement sur un moteur, inutile d'aller trop vite, Annapolis à 20 milles, au petit matin du 50ieme jour, tiens comme Colomb non ?

U Neat fin des émissions

PS : dès que j'ai,du WIFI j'essaye de vous mettre 2 captures d'écran, cherchez l'erreur

A bientôt, sans doute de la Martinique.