dimanche 10 mai 2009

RAS TVB

Vendredi 8 Mai

Rien à signaler, bon vent, belle mer, toujours ce satané courant dans le nez, toujours pas de poisson malgré les chalutiers que nous apercevons régulièrement, une certaine torpeur s'installe à bord, pour réveiller Alain je lui donne mission d'écrire quelque chose de vraiment intéressant (un truc utile, instructif, je ne sais pas moi, qu'il nous surprenne un peu après ses âneries du passage de la ligne) :

Comment surprendre après avoir dilapidé des trésors d'ingéniosité pour égayer la cérémonie du passage de la ligne ? Dans des domaines aussi variés que la sculpture capillaire, le maquillage, les costumes et surtout leur accessoirisation, je n'ai pas ménagé les efforts, en vain semble-t-il puisque ce spectacle inoubliable et unique n'a pas franchi la barrière de l'impitoyable censure.

Revenons donc à la routine, car à bord tout est routinier : d'abord les 8 x 3 qui ne sont que la variante maritime des 3 x 8 pratiquée à terre, mais en pire, car le patron n'est jamais à moins de 5 mètres du poste de travail et surveille toute diminution des cadences et toute variation de la qualité de la production. Les tolérances sont de 0,3 noeuds pour la vitesse, et 2 degrés pour le cap, au delà on s'expose aux pires châtiments verbaux, et personne ne se risque à tester le chat à neuf queues ou le plongeon de la grand-vergue.

Hormis le quart, qui ne sert à rien puisqu'on est à des milliers de milles de tout, bien au delà du Désert des Tartares, et qu'à raison d'un bateau tous les mille milles carrés les statistiques de collision sont très favorables, que fait le marin ?

Le marin fait tout comme à la maison, mais ici c'est plus pratique : pour les course on va chercher les boissons dans la pointe avant bâbord à 13 mètre et le reste au marché couvert sous le cockpit à un mètre, seul le marché au poisson est très mal desservi.

Sinon vaisselle en dansant la gigue, cuisine en commençant par le plus pourri, pour atteindre progressivement après une longue attente le summun : pâtes au naturel et crème Mont-Blanc. Et puis, et c'est le plus épuisant, puiser de l'eau au seau dans le grand lavoir bleu, et après avoir frotté tordu et étendu, attendre patiemment que le linge salé n'en finisse pas de sécher, ce qui laisse un peu de temps pour ranger sa chambre dont l'ordre doit être méticuleux. Mon couteau dans la poche droite, ma lampe dans la poche gauche, et le reste au milieu. Crème solaire, lunettes et chapeau d'une main, sans oublier, de l'autre, le manuel du parfait équipier dont il faut sans cesse corriger les coquilles, sinon retour par l'alizé d'ouest à la case La Rochelle. (en profiter pour débarquer les poubelles).

Chaque jour pour se détendre il y a atelier bricolage. Hier c'était : menuiserie, (révision du chapitre collage) et plomberie : opération à coeur ouvert de la pompe des eaux grises bâbord pour extraction, d'un corps étranger.

Finalement il reste peu de temps pour lire en raison d'une épidémie de Léthargia équatoria qui sévit de manière endémique, le plus simple est de rêver et penser à ceux qui sont restés à terre, et qu'on ne reverra que dans 34 jours, et leur écrire des lettres poche restante qui arriveront si Dieu veut. (les 3 derniers mots sont juste destinés à énerver le censeur)

Alanus Alnus, roi des aulnes glutineux et autres bétulacées.

NB : pour la prochaine traversée penser à faire greffer une troisième main

Pos : 01º45.89'S - 096º44.52'W

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